L’ASM Romagnat, modèle de réussite pour le rugby féminin en Auvergne
Par Daniela EBONGUE
Depuis plusieurs années, le club de rugby féminin de l’ASM Romagnat évolue en Élite 1, la plus haute compétition de rugby à XV féminin en France. Le fruit d’un travail et d’une volonté des entraîneurs et des joueuses, qui en fait un exemple à suivre par les autres clubs auvergnats, à la peine pour développer leurs sections féminines.

En Auvergne, le rugby féminin avance à deux vitesses. L’ASM Romagnat, club phare de la région, s’est imposé comme une référence en Élite 1, avec plusieurs participations aux phases finales et un titre national en 2021. Mais dans le même temps, d’autres clubs de la région peinent à exister. Entre manque de joueuses, difficultés de recrutement et moyens financiers limités, ces petites structures, souvent situées en zones rurales, luttent pour faire vivre la discipline. Un contraste qui reflète les inégalités et les défis qui façonnent aujourd’hui le rugby féminin en France.
L’ascension remarquable de l’ASM Romagnat
Précédemment en Élite 2, l’ASM Romagnat évolue depuis près de huit ans en Élite 1, autrefois appelée top 8. Cette montée en puissance est largement due au travail acharné des joueuses, mais aussi à l’arrivée au poste d’entraîneur principal de Fabrice Ribeyrolles, qui a transformé l’équipe en renforçant sa structure et en professionnalisant son encadrement.
Au côté des Clermontoises depuis 2015, l’entraîneur dit avoir « vite matché avec les filles, que ce soit sportivement ou humainement ». Pour les aider à atteindre le niveau qu’elles ont aujourd’hui, de nouvelles dispositions ont été mises en place. Le nombre d’entraînements a augmenté, l’équipe bénéficiant d’un rapprochement avec l’ASM Omnisports, qui a mis à sa disposition une salle de musculation. L’encadrement sportif a été enrichi avec le recrutement d’un préparateur physique. Les joueuses ont en outre pu bénéficier d’un suivi médical, toujours grâce à l’ASM.
Progressivement, l’ASM Romagnat a renforcé son staff en engageant un analyste vidéo, un entraîneur pour les joueuses évoluant à l’avant, mais aussi un kinésithérapeute. « Le but, c’était de structurer le club pour apporter des compétences, afin que les filles progressent dans tous les domaines, explique Fabrice Ribeyrolles. Ces dernières années, on a engagé un préparateur mental et travaillé avec une école de sophrologie. On veut mettre les filles dans un contexte où il y a des gens compétents autour d’elles, pour les aider à progresser physiquement, mentalement et rugbystiquement. »
Vers un modèle de professionnalisation du rugby féminin
À l’arrivée du technicien, le club « était à des années-lumière de tout ça », confie Fabrice Ribeyrolles. « On était deux entraîneurs, point final », poursuit-il. Les joueuses s’entraînaient trois fois par semaine, contre huit à dix entraînements hebdomadaires actuellement. La réflexion avec l’ASM en était à ses balbutiements. Mais la montée rapide de l’équipe en Élite 1 a accéléré les choses. « Rapidement, au bout de trois ans, on a commencé à faire les phases finales. C’est comme ça que la médiatisation a commencé à arriver, se souvient l’entraîneur. Et puis, en 2021, c’était le titre, un peu une surprise, car il était précoce, mais mérité. »
Ces changements importants ont sans conteste amené l’ASM Romagnat à son niveau d’aujourd’hui. Mais pour Fabrice Ribeyrolles, il reste encore beaucoup à faire quand on compare les moyens dont dispose son équipe à ceux des grosses écuries d’Élite 1, comme Bordeaux, Toulouse ou encore Lyon. Aujourd’hui, ce qui fait la force du club de l’ASM Romagnat, c’est la qualité du groupe, son niveau physique et sa volonté d’aller le plus loin possible, résume-t-il.
Les féminines de Lapalisse, exemple de persévérance malgré les difficultés
La réussite de l’ASM Romagnat dépasse les simples résultats sportifs. Elle montre qu’avec une vision claire, un soutien économique solide et des infrastructures adaptées, il est possible de rivaliser avec les grandes équipes, tout en inspirant une nouvelle génération de joueuses.
Mais l’ASM Romagnat n’est pas le seul club de rugby féminin d’Auvergne et, à leur manière et à leur niveau sportif, les féminines du RC Lapalissois sont aussi un modèle de volonté et de persévérance, deux qualités nécessaires pour assurer le maintien de leur équipe en championnat chaque année.
Jouant au rugby à X (10), c’est en effet la troisième année consécutive que le club réussit à maintenir un nombre de joueuses suffisantes pour participer au championnat, après quelques années d’inactivité. Mais, avec 17 joueuses inscrites, le risque d’un forfait par manque d’effectifs n’est jamais loin en cas de blessées trop nombreuses ou d’absences. Il est en effet difficile pour certaines de jongler entre le sport et leur vie de famille, leurs obligations professionnelles ou leurs études. Et au bout de trois forfaits, qu’ils soient consécutifs ou pas, c’est la suspension du championnat en cours pour l’équipe.
Les féminines du RC Lapalissois en sont déjà à un forfait cette saison. Pour Jeanne Romeuf, la secrétaire des féminines du club, l’enjeu est d’abord démographique : « On arrive à se maintenir, même si c’est vrai qu’en termes d’effectif, on est un peu limité. Pour commencer, Lapalisse est une petite ville et aux alentours, on n’a pas une énorme population », explique l’ancienne joueuse.La commune rurale de Lapalisse compte 3 100 habitants, et la communauté de communes qui l’entoure en a moins de 8 500.
Démocratiser le rugby féminin : un défi pour les clubs ruraux
À cet égard, la relance, cette année, de l’équipe des Scacquettes de Cusset, près de Vichy, n’est pas vraiment une bonne nouvelle pour la formation de Lapalisse. « Jusqu’à maintenant, on avait réussi à avoir des étudiantes qui venaient de Vichy. Celles qui étaient venues chez nous sont restées. Mais les nouvelles qui arrivent à Vichy, c’est sûr que si elles veulent commencer le rugby, elles iront à Cusset plutôt qu’à Lapalisse », commente Jeanne Romeuf. Pour autant, la sportive se réjouit du retour de l’équipe de Cusset, car cela reste une bonne chose pour le développement du rugby féminin.
L’équipe féminine du RC Lapalissois est assez hétérogène, avec une moitié des joueuses qui pratique le rugby depuis de nombreuses années et une moitié de néophytes. La plupart des nouvelles recrues sont également nouvelles dans l’univers du rugby, ce qui, d’après Jeanne Romeuf, n’est pas une mauvaise chose : « Ce n’est pas un mal, bien au contraire, c’est vraiment bien de pouvoir former des joueuses aussi. Mais c’est vrai que ça va être une catégorie un peu en dessous des autres. » D’ailleurs, le RCL n’a pas vraiment le choix, s’il veut aligner une équipe au complet, il doit recruter des débutantes.
Danièla Ébongué